( extrait) «C'est une dure leçon de choses pour tout le monde, souligne Me Mignard. Les rouages judiciaires ont fonctionné normalement, chacun peut se dire: "Je n'y suis pour rien. C'est toute la différence entre une société juridique et une société humaine.».
Source: Libération
27 septembre 1999
Deux faillites, deux suicides. L'un à Bordeaux, l'autre à Paris. Leur commerces étaient en liquidation judiciaire.
Chaque jour, 34 personnes en moyenne mettent fin à leurs jours.
Mercredi, deux suicides sont sortis du lot. Deux commerçants en faillite, victimes de la logique implacable des tribunaux de commerce. Car si la pratique des dépôts de bilan est une source d'enrichissement pour quelques personnes bien placées, elle n'est que rage et désespoir pour ceux qui sont du mauvais côté de la barrière.
Sans égards. Alain Cadel, 55 ans, était boucher-charcutier à Bordeaux. Il avait déposé son bilan en février 1996. Sous l'égide du tribunal de commerce, il avait obtenu un plan de continuation qui lui permettait de continuer à exploiter la boucherie en compagnie de son frère. Mais en avril 1998, le tribunal estime que le plan ne tient pas la route et ordonne la liquidation judiciaire. Commence alors la période la plus sombre de la procédure: le liquidateur saisit tous les biens de l'entrepreneur failli, les vend à un rythme et à des conditions qui n'appartiennent qu'à lui, sans égards pour le débiteur.
Me Silvestri, mandataire liquidateur à Bordeaux, voulait saisir la maison d'Alain Cadel. «C'est tout ce qui lui restait, il était désespéré», raconte son fils. Le boucher-charcutier s'est tiré une balle dans la tête et, comme pour mieux désigner le responsable, il l'a fait devant la porte du cabinet de Me Silvestri. Ce dernier n'a fait que son travail en voulant saisir la maison, mais le message que lui a envoyé Alain Cadel vaut pour tous les liquidateurs de France: «arrêtez de vous croire tout permis et nous traiter avec mépris» (lire ci-dessous).
Thierry Brun, 50 ans, exploitait un bistrot parisien. Et pas n'importe lequel: «la buvette du Palais», située dans l'enceinte même du tribunal de Paris. Avocats et juges s'y restaurent depuis 1954, date à laquelle son père avait obtenu une première concession. Dès 1995, il devient évident que les locaux de la buvette ne sont plus aux normes sanitaires. Thierry Brun propose alors de financer les travaux (2,5 millions de francs) à condition qu'on lui promette le renouvellement de sa concession. Impossible de procéder ainsi dans le temple du droit: une concession se renouvelle par appel d'offres. «En d'autres lieux, d'autres temps, une promesse orale aurait pu lui être faite, relève son avocat, Me Jean-Pierre Mignard. A défaut, il aurait peut-être fallu être franc dès le départ en lui expliquant que sa buvette devrait être fermée un jour. Thierry Brun aurait pu faire son deuil en douceur.»
«Leçon». Sans nouvelles des autorités judiciaires maîtres des lieux et du service des Domaines propriétaire des murs , il continue malgré tout son exploitation jusqu'à cette visite des services vétérinaires, au printemps 1998, qui lui interdisent de servir des plats chauds. La clientèle se fait moins nombreuse, Thierry Brun dépose le bilan en août 1999. Puis se donne la mort mercredi, comme l'a dévoilé le Figaro. «C'est une dure leçon de choses pour tout le monde, souligne Me Mignard. Les rouages judiciaires ont fonctionné normalement, chacun peut se dire: "Je n'y suis pour rien. C'est toute la différence entre une société juridique et une société humaine.».( fin de citation)
Les années passent et rien ne change à l'horizon......1999 ou 2012.......on se suicide encore pour des liquidations judicaires.
On condamne des France Telecom et autres sociétés du genre pour le nombre de suicides au sein de leur personnel.
Mais qui condamnera ceux qui sont directement à l'origine de cette hécatombe?
Le "redressé" ou "le liquidé" entre dans une machine, chacun presse sur le bouton " phase suivante"...... se décharge de la responsabilité du "dossier" pour le transmettre à un autre maillon de la chaine.......
Ca ne vous rappelle rien? C'est ce qui a permis l'holocauste: chaque département était chargé d'éxécuter une unique phase d'un processus .......
On sait tous ce qu'il est arrivé à la fin. Et pourtant, certains osent encore aujourd'hui nier les évidences!!
La seule façon de ne pas se faire broyer dans le système judiciaire, c'est de ne jamais y tomber.........
A la fin?
Il n'y a qu'un huissier, chargé par la justice, de faire exécuter les saisies......."lui aussi ne fera qu'obéir aux ordres", comme tous ses prédécesseurs