L'Importance pour le Débiteur de Contester la Date de Cessation des Paiements dès l'Ouverture de la Procédure Collective
La cessation des paiements, un concept central dans les procédures collectives (Article L631-1 du Code de commerce), est le "moment où une entreprise n'est plus capable de régler ses dettes avec son actif disponible".
Attention :Les biens mobiliers ou immobiliers dont l'entreprise est propriétaire ne sont pas des actifs disponibles.
Lorsque le tribunal prononce l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, il fixe également cette date. Toutefois, il est parfois crucial pour le débiteur de contester cette date dès le début de la procédure, notamment en raison des implications juridiques et financières qui en découlent.
1. Pourquoi contester la date de cessation des paiements ?
La date de cessation des paiements marque un tournant dans la procédure collective, car elle détermine un certain nombre de conséquences juridiques :
- Nullité des actes passés : Certaines opérations réalisées après cette date peuvent être annulées si elles sont jugées frauduleuses ou abusives. Cela inclut les paiements effectués à certains créanciers, ou des actes portant sur le patrimoine de l’entreprise, comme des ventes d’actifs.
- Sanctions contre les dirigeants : Si la date de cessation des paiements est fixée trop tôt, les dirigeants peuvent être tenus responsables des fautes de gestion commises après cette date, notamment pour avoir continué à contracter des dettes alors que l’entreprise était déjà en difficulté. Ces dirigeants peuvent être exposés à des sanctions personnelles (faillite personnelle, interdiction de gérer).
- Clarification de la situation économique : Fixer correctement cette date permet de mieux comprendre le moment où l’entreprise est entrée dans une phase critique. Cela aide à adapter les décisions judiciaires aux réalités économiques de l’entreprise, et à organiser les mesures de redressement ou de liquidation de façon plus équitable.
2. Le report de la date de cessation des paiements : un ajustement fondamental
Lorsque le tribunal fixe la date de cessation des paiements, il peut se tromper, soit parce qu’il n’a pas eu accès à toutes les informations, soit parce que la situation financière réelle de l’entreprise n’a pas été bien comprise. Dans ce cas, la loi permet de reporter la date de cessation des paiements à une période antérieure, jusqu’à 18 mois avant le jugement d’ouverture de la procédure collective.
Le report de la date peut être demandé par l’administrateur judiciaire, le mandataire judiciaire, le liquidateur ou encore le procureur de la République. Cependant, le débiteur lui-même ne peut pas initier cette action. Cela souligne l'importance pour le débiteur de surveiller attentivement la procédure, car le report peut entraîner l'annulation d'opérations qui lui ont permis de maintenir une certaine activité.
3. Les conséquences pour le débiteur
Si le débiteur ne conteste pas la date de cessation des paiements ou ne s'y oppose pas dès le début de la procédure, il risque de subir des conséquences financières majeures. Parmi ces conséquences :
- Annulation des transactions : Si certaines transactions effectuées dans les 18 mois précédant le jugement d'ouverture sont jugées contraires à l’intérêt des créanciers, elles peuvent être annulées.
- Responsabilité accrue des dirigeants : Le débiteur doit veiller à ce que la date de cessation des paiements reflète fidèlement la réalité économique de l’entreprise, afin d’éviter de lourdes conséquences pour ses dirigeants.
4. Les voies de recours pour le débiteur
Bien que le débiteur ne puisse pas demander directement le report de la date de cessation des paiements, il peut :
- Faire appel de la décision du tribunal concernant la fixation de la date de cessation des paiements s'il estime que celle-ci lui porte préjudice. Ce recours doit être exercé dans les 10 jours suivant la publication au BODACC (Bulletin Officiel des Annonces Civiles et Commerciales).
- Argumenter lors de l’audience, au moment de la fixation de la date ( dès la première convocation pour l'ouverture de la procédure), pour défendre une date plus favorable.
A retenir :
La contestation de la date de cessation des paiements est un enjeu qui revêt une importance capitale pour le débiteur dès l’ouverture de la procédure collective. Une date incorrectement fixée peut non seulement entraîner des sanctions pour les dirigeants, mais aussi provoquer l’annulation d’opérations vitales pour la survie de l’entreprise. Il est donc essentiel de vérifier scrupuleusement la date retenue par le tribunal et d’agir rapidement en cas de désaccord.
Le recours contre la décision de report de la date de cessation des paiements doit respecter des procédures spécifiques, et son initiative dépend du rôle des différentes parties impliquées dans la procédure collective.
Où adresser ce recours en tant que débiteur ?
Si vous êtes le débiteur (entreprise ou particulier en liquidation ou redressement judiciaire), voici les étapes à suivre pour exercer votre recours contre la décision de report de la date de cessation des paiements :
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Saisir la Cour d'Appel :
- Le recours contre le jugement du tribunal de commerce ou du tribunal judiciaire se fait devant la Cour d'Appel compétente. Ce recours doit être fait dans les délais légaux, généralement 10 jours à compter de la publication de la décision au BODACC (Bulletin Officiel des Annonces Civiles et Commerciales). La Cour d'Appel va réexaminer la décision rendue par le tribunal concernant la date de cessation des paiements.
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Assistance d'un avocat :
- Il est obligatoire d'être représenté par un avocat devant la Cour d'Appel pour ce type de procédure. L'avocat peut vous aider à formuler les arguments et à présenter les éléments de preuve nécessaires à la contestation du jugement.
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Voies de recours :
- L'appel doit être formé dans le cadre d'une assignation (acte juridique initiant la procédure), et non sous forme de requête, ce qui signifie que vous devrez notifier officiellement l’autre partie et le tribunal de votre intention de contester la date de cessation des paiements.
- Ce recours peut être formé non seulement par le débiteur, mais aussi par les mandataires judiciaires (administrateurs ou liquidateurs), le procureur de la République, ou même les créanciers, s'ils estiment que la date fixée leur cause préjudice.
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Limites :
- Il est important de noter que la date de cessation des paiements ne peut être reportée au-delà de 18 mois avant le jugement d'ouverture de la procédure collective (selon l'article L631-8 du Code de commerce).
Dans l'intérêt du débiteur, ce recours vise à éviter une date de cessation des paiements trop éloignée, qui pourrait entraîner des actions en responsabilité personnelle pour gestion fautive, ou d'autres conséquences néfastes, comme la nullité de certains actes passés.
A retenir :
Le débiteur, via son avocat, doit donc saisir la Cour d'Appel compétente dans les 10 jours suivant la décision et respecter les formes prévues par le Code de commerce. Un tel recours est stratégique pour limiter les conséquences financières et juridiques de la procédure de liquidation ou de redressement judiciaire.
Rappel rapide des voies de recours en Procédure Collective pour le Débiteur
Les voies de recours en matière de procédure collective permettent aux débiteurs et autres parties prenantes de contester les décisions rendues par les juridictions compétentes.
1. Voies de Recours Ordinaires
Les voies de recours ordinaires sont les plus couramment utilisées pour contester les décisions rendues dans le cadre des procédures collectives. Elles incluent principalement :
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L'Appel : Le débiteur peut contester un jugement (par exemple, le jugement d’ouverture de la procédure collective) devant une cour d'appel. L’appel doit être exercé dans un délai précis (généralement 10 jours à compter de la notification de la décision) et est un droit du débiteur, même s'il est dessaisi de la gestion de son entreprise.
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L’Opposition : Le débiteur peut demander une nouvelle délibération du tribunal si la décision a été rendue par défaut (c'est-à-dire en son absence). Cette opposition permet de réexaminer l'affaire en présence du débiteur.
2. Voies de Recours Extraordinaires
Les voies de recours extraordinaires sont utilisées dans des cas spécifiques et incluent :
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Le Pourvoi en Cassation : Le débiteur peut saisir la Cour de cassation si une erreur de droit a été commise par la cour d'appel. Ce recours ne permet pas de réexaminer les faits, mais uniquement de vérifier la correcte application du droit.
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La Tierce Opposition : Ce recours permet à un tiers, qui n'était pas partie à la procédure, de contester une décision qui lui cause un préjudice. Le débiteur peut aussi utiliser la tierce opposition s’il n'a pas été informé ou impliqué correctement dans une décision.
3. Le Recours pour Erreur de Qualification ou Notification
Si une erreur de qualification de la décision ou une erreur dans la notification du jugement est constatée, l’article 536 du Code de procédure civile prévoit que cette erreur n’empêche pas l’exercice d’un recours. Si le recours est déclaré irrecevable en raison de cette erreur, le greffe notifie à nouveau la décision avec le bon délai pour permettre l’exercice du recours approprié.
4. Les Recours en Nullité
Le recours en nullité peut être engagé lorsque la décision du tribunal est entachée d’irrégularités ou d’erreurs matérielles affectant sa validité. Ce recours peut également être exercé si une violation des droits fondamentaux est constatée au cours de la procédure.
5. Cas Particuliers de Voies de Recours en Procédure Collective
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Le Recours contre les Décisions du Juge Commissaire : Les décisions relatives à la vérification des créances ou à la cession d’actifs peuvent être contestées devant la cour d'appel. Dans certains cas, les parties qui n’ont pas émis de contestation au stade de la vérification des créances peuvent tout de même faire appel.
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La Conversion de la Procédure : Le débiteur peut faire appel d’une décision de conversion de la procédure de sauvegarde en redressement judiciaire ou liquidation judiciaire si cette conversion est jugée infondée.
6. Délais à Respecter
Les délais de recours en procédure collective sont stricts :
- 10 jours pour faire appel après la notification ou la publication de la décision.
- 1 an pour contester certaines décisions, comme le report de la date de cessation des paiements.
7. Publicité et Notification des Décisions
Toutes les décisions rendues dans le cadre de la procédure collective doivent être publiées au Bulletin Officiel des Annonces Civiles et Commerciales (BODACC) pour être opposables aux tiers. Les parties directement concernées par ces décisions doivent également être notifiées par le greffe du tribunal.